Une sortie du capitalisme par la terre

Langue de l'audio: Français

Dans cet épisode, je reçois Tanguy Martin. Agronome de formation, Tanguy est aussi un militant engagé de longue date sur des questions cruciales comme l’accaparement des terres, l’agroécologie et l’alimentation durable, à différentes échelles du local à l’européen.

Notre échange s’appuie notamment sur son essai "Cultiver les communs. Une sortie du capitalisme par la terre". Dans ce livre, Tanguy revient sur le rôle fondamental que l’appropriation de la terre a joué dans la naissance du capitalisme et sur les effets destructeurs que cette logique continue de produire sur les sociétés, les écosystèmes et les droits humains. En contrepoint, il explore la piste politique des communs, et en particulier ce que cela implique de penser la terre non plus comme une propriété, mais comme un commun à instituer collectivement.

Bonjour Tanguy, pour commencer, est-ce que tu pourrais nous en dire un peu plus sur toi et ton parcours?

Je travaille et je milite autour des questions agricoles, de démocratie, de justice dans l'agriculture et l'alimentation.

Dans le cadre de mon travail, je suis salarié d'une structure qui s'appelle Terre de Liens, qui œuvre pour la préservation et le partage des terres en France. Et puis, à côté, de manière bénévole, je milite dans différents espaces, notamment au sein de collectifs comme Ingénieurs sans frontières, Reprise de terre, ou encore le Collectif pour une sécurité sociale de l'alimentation.

Pour rentrer dans le vif du sujet, je voudrais parler d’un livre que tu as écrit, intitulé Cultiver les communs : Une sortie du capitalisme par la terre. Alors tout d’abord, quel lien fais-tu entre l’agriculture et le développement du capitalisme?

Il y a un lien fort entre la terre, en particulier agricole dans sa vocation nourricière, et le développement du capitalisme.

C’est fondamental, car l’une des origines de ce système repose sur les enclosures, ce processus amorcé au Royaume-Uni à la fin du XVIe siècle, où les seigneurs s’approprient la terre et obtiennent le droit d’en exclure les paysans. Dans le régime féodal, malgré de nombreuses contraintes, ceux-ci avaient un accès garanti à la terre, donc à leur subsistance. Avec les enclosures, cet accès disparaît : les seigneurs peuvent désormais les en chasser, et ils doivent vendre leur force de travail pour survivre.

Le capitalisme émerge ainsi par une première prise de terre en Europe, puis par une seconde dans les colonies, dans ce qu’on appelle l’accumulation primitive : la constitution de grandes propriétés nécessaires au développement de l’exploitation capitaliste.

Autrement dit, le capitalisme repose sur une double dépossession — en Europe et dans les colonies — qui sépare les travailleurs de leurs moyens de subsistance. C’est un de ses fondements historiques.

Pour éviter les écueils d’un discours du type « c’était mieux avant », je voudrais te demander: selon toi, quels progrès ont été réalisés au XXe siècle dans le monde agricole en France, notamment sur le plan foncier ?

Alors, je me permets de repartir de ce que je disais, même si ça ne concerne pas strictement le XXe siècle. Je ne voudrais surtout pas laisser penser qu’il existait, sous le système féodal, des régimes de propriété de la terre qui seraient exemplaires. Ce serait une erreur de croire que le Moyen Âge était plus favorable aux travailleurs de la terre ou à la population en général que les périodes moderne ou capitaliste — ce n’est pas le cas.

C’était problématique autrement. On pourrait analyser ça longuement, mais il faut éviter de tomber dans une forme d’idéalisme du passé. Il y a des éléments intéressants à retenir de la période médiévale, mais certainement pas dans l’idée que « c’était mieux avant ».

Cela dit, malgré les effets néfastes du capitalisme sur l’agriculture au XXe siècle, en particulier en France, il y a aussi eu des conquêtes sociales importantes, notamment après la Seconde Guerre mondiale. Certaines s’inscrivent dans des trajectoires militantes plus anciennes, mais elles se concrétisent vraiment à ce moment-là.

L’une des plus significatives, c’est la réforme de 1946 portée par le Conseil national de la Résistance : le statut du fermage. Ce statut accorde une forte protection aux locataires de terres agricoles. Il leur garantit un droit d’accès à la terre avec un loyer modique fixé par arrêté préfectoral, des baux de longue durée, et limite fortement l’intervention du·de la propriétaire dans les pratiques agricoles de son·sa locataire.

Cela vient bloquer le pouvoir du propriétaire terrien, qui, jusqu’alors, dominait largement les travailleurs de la terre. Au début du XXe siècle, la majorité des agriculteurs ne sont pas salariés mais indépendants. Ils ne dépendent pas d’un patron, mais restent soumis aux propriétaires fonciers, qui peuvent les mettre en insécurité permanente, leur imposer des loyers élevés non encadrés.

Le statut du fermage, toujours en vigueur aujourd’hui, a profondément modifié cette situation. Certain·es juristes parlent même de quasi-propriété, dans le sens où le fait de cultiver une terre ouvre un droit d’usage pérenne pour un prix modique. C’est une avancée majeure. Si la propriété privée était abolie, ce statut n’aurait plus lieu d’être, mais tant qu’elle existe, il reste extrêmement pertinent.

Plus largement, au fil du XXe siècle, des organisations syndicales agricoles ont acquis du pouvoir, au point que certain·es travailleur·euses de la terre ont commencé à co-gérer les politiques agricoles. L’idée que les personnes concernées participent à la définition des règles qui encadrent leur travail est précieuse dès lors qu’on s’intéresse à l’émancipation par le travail.

Malheureusement, ces institutions ont souvent été dévoyées, instrumentalisées par une vision corporatiste et identitaire de l’agriculture, centrée sur la figure de l’agriculteur·rice indépendant·e. Cela pose problème aujourd’hui, car près de 50 % du travail agricole est effectué par des salarié·es, qui n’ont pratiquement aucun droit de regard ou de parole dans les instances de gouvernance.

Mais malgré ces dérives, on peut reconnaître que le XXe siècle a permis, en France, de réelles avancées sociales et la création d’institutions qui rompent avec les logiques libérales, en redonnant des droits concrets aux travailleur·euses.

Effectivement, le syndicalisme agricole en France est une question complexe, que j’aborderai sûrement dans un autre épisode.

Pourquoi la régulation du foncier agricole uniquement par le marché te semble-t-elle inadaptée aux enjeux qui l’entourent?

Ce qu’il faut garder en tête, c’est qu’avec les enclosures en Angleterre arrive l’idée que la terre peut, ou doit, devenir un bien marchand. Autrement dit, un bien qu’on achète et vend sur un marché. Mais à l’échelle de l’histoire humaine, c’est quelque chose de très récent, presque anecdotique. Et encore aujourd’hui, ce n’est pas une conception partagée partout dans le monde, même si elle tend à se généraliser.

Ce que cette logique implique, c’est que la terre serait une marchandise comme une autre, qu’on peut échanger, mais aussi détruire. Le droit de propriété, tel qu’il est hérité du droit latin, inclut ce qu’on appelle l’abusus : c’est-à-dire le droit de détruire ce qu’on possède. Et ça, ça soulève toute une série de questions sur le délire de toute-puissance qu’a pu développer l’être humain sur la planète dans le cadre du capitalisme et de la modernité occidentale.

Évidemment, ce pouvoir n’est pas absolu, il est encadré par des lois, mais malgré tout, cela interroge profondément notre rapport à la terre.

Dans un système capitaliste, le marché alloue les ressources en vue de maximiser la rentabilité des investissements, donc de générer du profit. Appliquer cette logique à la terre, c’est considérer qu’elle doit aller à l’usage le plus « productif » — c’est-à-dire le plus rentable économiquement.

Mais ces usages-là ne correspondent pas forcément aux besoins fondamentaux des êtres humains. Aujourd’hui, l’usage le plus rentable de la terre, c’est le logement. Si on suivait uniquement cette logique, on transformerait une grande partie des terres en zones pavillonnaires — et on ne pourrait plus se nourrir. On peut aller plus loin : si on appliquait ça partout, ce serait la fin de l’agriculture vivrière sur la planète.

Donc clairement, ça ne fonctionne pas. Il faut réguler l’usage des terres, définir comment on les alloue et à quoi on les consacre.

Et il faut aussi reconnaître que plusieurs usages peuvent coexister sur un même espace. La terre est multifonctionnelle : elle permet de produire de l’alimentation, mais elle joue aussi un rôle paysager, peut être un lieu de loisir, de spiritualité, de stockage de carbone, d’accueil de la biodiversité… Et tout ça, ce sont des fonctions légitimes, qui ne se résument pas à la rentabilité économique.

Même si on restreint l’usage de la terre à l’agriculture, une logique purement marchande pousse vers la monoculture intensive, qui peut être très rentable — mais qui génère des désastres sociaux et écologiques.

L’allocation par le marché ne fonctionne pas. Il faut inventer, ou plutôt retrouver, d’autres manières de gérer la terre. L’anthropologie et l’histoire regorgent d’exemples de systèmes fonciers qui ne passent pas par le marché.

Même Léon Walras, un des pères de l’économie néoclassique — donc plutôt du côté des défenseur·euses du marché — disait déjà : « La terre, c’est un cas particulier. Elle ne se fabrique pas. Peut-être faudrait-il la nationaliser. » Donc, on peut quand même se poser la question, même selon un large éventail de traditions idéologiques, que le marché n’est pas la bonne manière de gérer la terre.

Est-ce que l’idée de sortir l’alimentation de la sphère capitaliste est forcément une idée de gauche ? Voire une idée révolutionnaire ?

On pourrait se lancer dans de grandes théories politiques, mais si on est un peu schématique et qu’on regarde ce qui se passe dans l’histoire et dans le monde depuis que le capitalisme existe, on voit que la maximisation du profit, la logique d’action du capital, l’idée que la somme des intérêts privés et leur maximisation aboutiraient à un espèce d’optimum social, ça ne fonctionne pas.En tout cas, pas dans ce que je connais des filières alimentaires. Qu’est-ce que ça a produit, en tout temps et en tout lieu ? Les travailleuses et travailleurs de la terre sont exploité·es, vivent un travail pénible et dévalorisé.

Même si, malgré ou à cause de la modernisation agricole, la mécanisation, la chimisation, les agriculteur·trices aujourd’hui ont effectivement peut-être un travail physique moins pénible qu’avant, malgré tout, ils·elles se cassent toujours le dos, et en plus, maintenant, iels se suicident plus qu’avant. Du coup, ce n’est pas fantastique.

Du point de vue de l’alimentation, on voit que malgré l’extension de la sphère capitaliste à l’agriculture de manière mondiale, notamment depuis les années 90 avec l’intégration de l’agriculture dans les accords de libre-échange, la faim dans le monde n’a pas vraiment diminué.

Et même en France, qui est censée être une grande puissance agricole, il y a plein de gens — environ 10 % de la population — qui recourent à l’aide alimentaire.

Il y a un tiers des personnes — donc pas seulement celles qui vivent sous le seuil de pauvreté — qui sautent un repas de temps en temps pour des raisons économiques.

Donc c’est pas très efficace pour lutter contre la faim, et en plus, ça a un coût environnemental absolument astronomique : ça détruit la biodiversité, ça participe au réchauffement du climat, ça perturbe les cycles de l’eau…

Donc vraiment, ce système montre ses limites.

Je pense que si on étudie vraiment, de manière naïve et empirique, la chose, le capitalisme dans l’alimentation — et on pourrait élargir ça à plein d’autres sphères — ne produit pas les résultats attendus.

Et donc j’ai envie de dire que c’est une question de survie. Après, est-ce que c’est une question de gauche ? Moi j’ai l’impression que la droite est nihiliste, de plus en plus nihiliste, et donc aujourd’hui, c’est surtout défendu par des gens qui se réclament de gauche.

Mais voilà, la phrase de Marx, c’était : « les capitalistes périront dans les eaux glacées du calcul égoïste ». La question aujourd’hui, c’est que vu comment on est en train d’y aller, on va périr avec eux dans ces eaux glacées, et c’est pas très cool.Donc il va falloir faire quelque chose assez rapidement.

Après, est-ce que c’est une idée révolutionnaire ? Je sais pas si c’est une idée révolutionnaire, mais en tout cas, pour en sortir, il faudra mettre en place quelque chose de radical, une vraie rupture avec le capitalisme. L’option révolutionnaire, c’est quand même une option à envisager.

Donc voilà, c’est pas forcément une idée de gauche ou une idée révolutionnaire, mais par contre, il faudra des actions de gauche et des actions révolutionnaires pour en sortir.

On va continuer sur cette question de transition en dehors du capitalisme. Est-ce que tu pourrais nous dire quel rôle l’État joue-t-il, ou pourrait-il jouer, dans une communalisation des terres agricoles ? Et quelles sont, selon toi, les limites de son intervention ?

Personnellement, je m’inscris dans des traditions plutôt communistes et libertaires, qui visent au dépassement, ou même au dépérissement de l’État — en tout cas de l’État moderne, bourgeois, qui reste un système d’oppression organisé par une minorité pour une minorité.

Cela dit, d’un point de vue très pragmatique, on voit bien que les options révolutionnaires à court terme, les grandes perspectives du « grand soir », ne sont pas forcément là.

Les attendre, ou essayer de construire les conditions de possibilité du grand soir en rejetant toute action intermédiaire comme inutile ou compromise, relève d’un certain romantisme.

Et ce romantisme reste souvent l’apanage de personnes qui ne vivent pas si mal dans le capitalisme et peuvent se permettre ce genre de position.

Mais beaucoup de gens souffrent, on ne peut pas se permettre de leur dire : « vous souffrirez en attendant l’avènement du royaume des cieux », qu’il soit communiste ou catholique. Il y a un peu cette idée que « ça ira mieux après ».

Mais non, il faut faire des choses maintenant.

Dans ce cadre, l’État est un lieu de bataille — une bataille pour l’émancipation humaine, pour l’écologie — et il faut mener cette bataille au sein même de l’État. La question devient alors : est-ce qu’à travers les règles du droit actuel, avec l’État tel qu’il est, on peut construire des institutions radicales, des déjà-là d’une société post-capitaliste ?

Un exemple emblématique, c’est celui de la sécurité sociale. On a réussi à sociales, plus ou moins, l’accès aux soins. Pour les médicaments, c’est plus compliqué parce que l’industrie pharmaceutique a su s’immiscer dans le système. Mais sur la production de soins, même si les médecins sont bien rémunérés, on reste dans un système socialisé.

Donc oui, on peut mener des réformes radicales qui pourraient survivre au dépérissement de l’État et à la sortie du capitalisme. La sécurité sociale, dans son principe, avec quelques ajustements, pourrait tout à fait constituer un socle dans une société post-capitaliste.

L’idée, c’est que, dans certaines configurations de rapports de force, l’État peut permettre ce type de réforme — et qu’il faut les viser. Il ne s’agit pas de se contenter de petites réformettes qui entretiennent des illusions, mais bien d’avoir de vraies ambitions politiques, même sans avoir encore aboli l’État. Ce qui est important, c’est de penser et de créer ces institutions dès maintenant qui, comme la sécurité sociale, bien qu’instaurée par une loi ou des ordonnances en 1945-46, pourraient survivre à la disparition de l’État.

Alors, évidemment, pas dans la situation actuelle : depuis 1995, le budget de la sécu a été réintégré dans celui de l’État. Mais à l’origine, c’étaient des institutions autonomes, gérées par les travailleur·euses, qui prenaient en charge la santé.

Donc, oui, il faut que l’État légifère, mais une fois que c’est fait, on peut avoir des institutions qui ne dépendent pas nécessairement de lui pour fonctionner, et qui pourraient lui survivre.

C’est ce que le sociologue Erik Olin Wright appelle l’érosion du capitalisme.

C’est l’une des stratégies de lutte contre le capitalisme — pas la seule, et il ne faut surtout pas qu’elle le soit — mais c’est une voie : celle de l’érosion, par la mise en place d’institutions politiques révolutionnaires ou proto-révolutionnaires, qui favorisent le dépérissement de l’État ou peuvent fonctionner sans lui.

Je n’ai pas encore donné d’exemples très concrets ici, mais on y reviendra. Notamment sur les institutions qui régulent l’accès à la terre en France : à mon sens, certaines relèvent vraiment de ces déjà-là.

Donc voilà, petit teasing : on a aussi des exemples dans l’agriculture, il n’y a pas que la sécu.

Veux-tu parler de la manière dont la collectivisation soviétique est souvent utilisée comme un épouvantail dans les débats autour de ces sujets ?

L’histoire de l’URSS est souvent brandie pour invalider toute idée de communisme, comme si le stalinisme était la seule version possible du communisme, et que son échec suffisait à discréditer toute forme de collectivisation économique. Mais ça, c’est assez facile à démonter : l’URSS, surtout post-léniniste n’a plus grand-chose à voir avec ce que beaucoup entendent aujourd’hui par communisme, et même ce que furent les kolkhozes et les sovkhozes est très peu connu. En France, peu de gens s’y intéressent sérieusement.

On se contente de dire : « les gens mangeaient mal en URSS, donc ça ne marchait pas », sans regarder de près ce que produisent d’autres systèmes, y compris le capitalisme.

Et pourtant, le capitalisme ne règle pas mieux la question de l’alimentation, comme on l’a déjà évoqué. Il existe d’ailleurs des formes de nostalgie dans plusieurs pays de l’ex-bloc soviétique.

En Pologne, par exemple, une partie du populisme actuel repose sur ce constat : dans l’économie socialiste, certaines populations rurales avaient un accès plus direct à des ressources et à des droits. Elles ont été laissées de côté par la transition vers le capitalisme, ce qui a généré du ressentiment, aujourd’hui capté par l’extrême droite.

Il y a donc plein de manières d’imaginer une collectivisation des terres qui ne relèvent ni du Grand Bond en avant de Mao, ni du modèle soviétique. Et même les kolkhozes et sovkhozes mériteraient d’être étudiés avec nuance : tout n’y était peut être pas absurde, et leur fonctionnement a évolué au fil du temps. Ce qui s’applique en 1917 ne fonctionne déjà plus de la même manière en 1923 ou en 1956. Agiter ces contre-exemples historiques pour clore le débat n’a pas grand intérêt.

Que permet aujourd’hui le droit français pour sortir les terres agricoles de la logique marchande ?

Il y a quelque chose de vraiment intéressant dans l’histoire de l’agriculture française : on a des enclosures à la française. La sortie du mode de production féodal et l’entrée dans le capitalisme peuvent être datées, grosso modo, de la Révolution française. Le régime de propriété privée des terres, par exemple, est institué dans le Code civil de 1804. Ce code napoléonien est toujours en vigueur. La définition de la propriété privée, c’est l’article L544 du Code civil — le même qu’en 1804.

Donc, ça commence là. Ce qui est frappant, c’est que l’agriculture française ne rentre pas immédiatement dans le capitalisme. Entre 1804 et 1950, on reste dans une forme d’agriculture proto-capitaliste : les paysan·nes produisent leur subsistance et vendent le surplus en ville. Entre 30 et 50% de la population active travaille la terre. Le capitalisme progresse dans l’industrie, les manufactures, les mines, mais beaucoup moins dans l’agriculture.

Et ce n’est pas la « main invisible du marché » qui va changer ça. C’est l’État — de manière très visible — qui va pousser l’agriculture française dans le capitalisme après 1945, jusqu’aux années 60. Parce que le capitalisme a cette logique d’expansion dans toutes les sphères d’activité humaine, et à ce moment-là, on décide qu’il faut aussi intégrer l’agriculture.

C’est aussi un choix économique : si 30% de la population travaille la terre, ce sont autant de personnes en moins pour construire des voitures ou extraire du charbon. L’État veut donc libérer cette main-d’œuvre et moderniser l’agriculture.

Pour cela, il faut embarquer une minorité d’agriculteur·rices en leur donnant du pouvoir et des droits. On crée alors des institutions. Par exemple, avec le statut du fermage : les propriétaires fonciers, qui touchaient une rente, n’avaient aucun intérêt à moderniser l’agriculture. Il fallait donc les bloquer pour pouvoir introduire les tracteurs et la chimie dans les champs, sans risquer une révolte paysanne massive.

Dans les années 60, sous l’impulsion d’Edgar Pisani, ministre de De Gaulle mais se réclamant du Parti socialiste, on met en place des réformes d’accès à la terre : les SAFER, structures co-gérées par l’État et les syndicats agricoles, peuvent intervenir sur le marché foncier pour réorienter une vente vers une personne plutôt qu’une autre, et encadrent aussi les prix. C’est pour cela que le prix des terres agricoles reste relativement bas en France, comparé à d’autres pays européens.

Deuxième levier : le contrôle des structures, qui joue le même rôle sur le marché des locations. Aujourd’hui, 60 % des terres agricoles sont exploitées par des fermier·es qui ne sont pas propriétaires. Pour louer, il faut non seulement l’accord du ou de la propriétaire, mais aussi une autorisation d’exploiter. Celle-ci est délivrée par une commission qui regroupe syndicats agricoles et État : la Commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA). Sans s’étendre là dessus, il faut garder en tête que l’accès à la terre est en partie retiré au marché et encadré par des institutions publiques.

Et donc, on a ces “déjà-là”: des institutions qui existent et qui sont totalement acapitalistes — voire, dans une certaine mesure, anticapitalistes. C’est notamment le cas pour les locations agricoles, puisque le prix du fermage, autrement dit le loyer des terres agricoles, est fixé par arrêté préfectoral. Les propriétaires ne peuvent donc pas librement en déterminer le montant.

Le droit de louer une terre est encadré : il faut l'accord de l'État et des syndicats agricoles. Et surtout, on ne peut pas vendre un bail. Il n’y a pas de « pas-de-porte » : un·e fermier·ère qui a un contrat de location ne peut pas le revendre à un·e autre. L’accès à la terre par la location n’est donc pas un droit marchand.

C’est ce cadre qui a permis de faire entrer l’agriculture dans le capitalisme, là où le marché échouait, car le coût d’accès à la terre rogne une rentabilité agricole déjà très faible. L’agriculture en France ne génère pas beaucoup de valeur ajoutée.

Et donc, paradoxalement, ce sont ces conquêtes sociales qui ont permis cette transition : un accès sécurisé à la terre sur le long terme a rendu possible l’endettement, l’achat de tracteurs, l’investissement.

Mais c’est là que le pacte devient faustien : les agriculteur·rices sont passé·es de la coupe du ou de la propriétaire terrien·ne à celle du ou de la banquier·ère. Ce n’est pas forcément une grande victoire au final.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur les SAFER, leurs atouts, pourquoi sont-elles critiquées, et en quoi peuvent-elles inspirer?

Les SAFER, créées par une loi de 1960, sont des sociétés anonymes à but non lucratif, investies d’une mission de service public. Leur gouvernance réunit des représentants de syndicats agricoles, des collectivités territoriales, ainsi que de la société civile — ce qui inclut les banques agricoles, la MSA, les fédérations de chasseurs, mais aussi des associations de protection de la nature et de l’environnement.

Ces sociétés ont un rôle central : acheter et revendre des terres agricoles. Mais elles ne les revendent pas au plus offrant. Le prix est fixé à l’avance, et les acheteurs sont sélectionnés selon des priorités définies par l’État : création d’emplois, maintien du modèle familial d’exploitation, entre autres. Tous les candidats paient le même prix, mais c’est la SAFER qui choisit l’attributaire au regard de ces objectifs.

C’est donc un fonctionnement qui s’écarte de la logique purement marchande. Pas de compétition entre acheteurs, pas de surenchère. On s’éloigne ici de la recherche du profit maximal, ce qui illustre une idée forte : la terre n’est pas une marchandise comme une autre.

Autre particularité : les SAFER sont titulaires d’un droit de préemption. En cas de vente entre particuliers, elles peuvent, sous certaines conditions fixées par l’État, se substituer à l’acheteur et acquérir elles-mêmes les terres — pour ensuite les réattribuer. Et cela peut se faire en révision de prix : si elles estiment le prix trop élevé, elles peuvent non seulement racheter à la place de l’acquéreur initial, mais aussi payer moins cher. C’est un instrument de régulation du marché foncier, qui permet de limiter la spéculation.

Vu sous cet angle, le dispositif est remarquable. Et beaucoup d’organisations paysannes, en Europe comme ailleurs, considèrent qu’il s’agit d’un outil exceptionnel : une institution qui permet de soustraire la terre à la logique de marché.

Mais cette belle architecture se heurte à un problème de fond : la gouvernance du système syndical agricole. Les SAFER ont été conçues à une époque où les agriculteurs représentaient une part significative de la population. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 1,5 % des actifs, et à peine 5 % de la population rurale. Autrement dit : une minorité sociale, qui perd en légitimité à décider seule des orientations agricoles et foncières.

Or, dans la pratique, les représentants agricoles se comportent de manière très corporatiste, partant du principe que les agriculteurs sont les seuls légitimes à définir ce qui est bon pour l’agriculture — et donc, indirectement, pour les territoires, les paysages, l’environnement, l’alimentation, le climat… sans rendre de comptes à la société dans son ensemble.

Cette posture est renforcée par un État souvent complaisant, qui laisse le syndicat majoritaire fixer seul ses orientations. Il y a des raisons symboliques à cela : la figure de l’agriculteur reste fortement valorisée dans l’imaginaire collectif, et elle est régulièrement mobilisée dans les discours identitaires de la droite, de l’extrême droite, et des mouvements conservateurs. Il y a aussi un rapport de force très concret : le monde agricole dispose d’une capacité logistique de blocage, avec des engins, des tracteurs, des manifestations spectaculaires.

Mais cette capacité de blocage est amplifiée par la bienveillance de l’État. On l’a vu en 2024 : quand on bloque avec un tracteur pour défendre des pratiques destructrices de l’environnement, la police protège. Quand on manifeste contre la réforme des retraites ou contre les méga-bassines, on se fait réprimer.

Il y a donc une double asymétrie : capacité à imposer un rapport de force, et capital symbolique puissant qui garantit un traitement politique et médiatique favorable. Peu d’autres mouvements sociaux bénéficient d’une telle bienveillance.

Cela étant dit, le mécanisme des SAFER reste profondément inspirant. Il mériterait toutefois deux évolutions majeures. D’une part, il faudrait élargir leur gouvernance. Aujourd’hui, des acteurs essentiels — en particulier les mangeurs, les consommateurs — ne sont pas représentés. Or, ils devraient pouvoir participer aux choix de production sur les territoires, notamment dans une optique d’alimentation locale et durable.

D’autre part, les objectifs qui leur sont assignés doivent être révisés. Les enjeux environnementaux, pourtant devenus centraux en agriculture, sont encore très peu intégrés dans les critères d’attribution. Il est urgent que les orientations fixées aux SAFER tiennent compte de l’écologie, de la biodiversité, du climat.

Enfin, il faut souligner que le mode de représentation syndicale dans l’agriculture est aujourd’hui totalement biaisé — c’est bien documenté, je ne détaille pas ici, mais c’est un point de fragilité majeur du système.

En résumé : le modèle SAFER peut être problématique dans ses usages actuels, mais il est profondément stimulant dans sa structure. Il pourrait inspirer d’autres pays. D’ailleurs, des échanges existent déjà, via des réseaux comme La Via Campesina au niveau européen, ou Access to Land auquel participe Terre de Liens. Lors des réformes foncières récentes en Écosse ou en Irlande, le fonctionnement des SAFER a été étudié de près par les militants pour nourrir les débats.

Par exemple, lors des réformes foncières engagées en Écosse et en Irlande, le modèle des SAFER a été étudié de près par les militants qui tentaient d’influencer ces processus pour les orienter vers des formes de régulation plus justes, plus transparentes, et plus favorables à l’intérêt général.

Est-ce qu’il existe des pays qui ont tenté de transformer radicalement leur régime foncier?

Alors, je vais être un peu taquin, mais en réalité, on en a déjà parlé : les enclosures en Angleterre constituent bel et bien un changement radical de régime foncier. Ce n’est pas forcément allé dans le bon sens, mais c’est une réforme foncière profonde.

Le Code civil de 1804 en France en est un autre exemple : il opère un basculement majeur dans le droit foncier, en inscrivant la propriété privée comme un droit absolu, exclusif, transmissible, et opposable à tous. Là aussi, on est face à une réforme radicale du foncier.

Ces mouvements de transformation des régimes fonciers continuent encore aujourd’hui dans le contexte de la mondialisation néolibérale. Des institutions comme la Banque mondiale, le FMI, ou des accords de libre-échange à différentes échelles poussent à la marchandisation des droits fonciers. Dans de nombreux pays — notamment en Afrique subsaharienne — une part importante des terres relève encore de régimes étatiques ou coutumiers. Et bien souvent, ces deux logiques coexistent, ce qui crée des frictions. Les institutions libérales de l'économie capitaliste vont pousser à la libéralisation des régimes fonciers.

C’est une dynamique qui a été, et qui reste, très présente en Afrique subsaharienne, où elle génère de nombreux conflits. Les résistances à cette marchandisation du foncier ont souvent donné lieu à des tensions politiques et sociales. Au Mali, par exemple, ces enjeux ont nourri des conflits internes. Et on peut penser que l’une des raisons du renversement et de l’assassinat de Thomas Sankara tient à sa volonté de défendre un droit foncier collectif et une agriculture qui n’est pas pleinement intégrée dans les logiques capitalistes.

Dans l’imaginaire collectif, l’idée de changement de régime foncier hors du capitalisme est très fortement associée aux réformes agraires d’Amérique latine. Et là, je fais évidemment écho au titre du podcast, Tierra y Libertad, qui, avant d’être un slogan des anarchistes espagnols, vient de Ricardo Flores Magón, révolutionnaire mexicain.

La réforme agraire issue de la révolution mexicaine de 1917 en est un exemple emblématique. Elle institue un régime de terres communes, les ejidos, qui vise à libérer les paysans du contrôle des grands propriétaires. Ce système n’a pas complètement échappé à la reconstitution d’élites : certains anciens propriétaires latifundiaires, ne pouvant plus posséder les terres, ont repris la main en contrôlant le commerce agricole. Mais malgré ses limites, cette réforme marque une réelle tentative d’émancipation paysanne.

Ce régime des ejidos a été en grande partie démantelé au début des années 1990. Et cette abolition a été concomitante — voire déclenchante — du soulèvement zapatiste au Chiapas, qui reste aujourd’hui l’un des grands mouvements contemporains autour de l’accès à la terre.

Ce lien entre régime foncier et stabilité politique a été bien analysé par Pierre Blanc, géopolitiste, qui montre que plus l’accès à la terre est égalitaire, plus les régimes politiques sont stables. Il donne notamment l’exemple du Brésil : en 1964, un projet de réforme agraire était sur la table, et l’une des forces qui ont soutenu le coup d’État militaire, ce sont les grands propriétaires fonciers, inquiets de perdre leurs privilèges.

Ce lien est moins opérant aujourd’hui dans des sociétés où l’agriculture ne concerne qu’une très faible part de la population active, comme en Europe occidentale ou aux États-Unis. Mais à l’échelle historique des deux derniers siècles, il reste un facteur central.

Tu défends l’idée d’une Sécurité sociale de l’alimentation. En quoi consisterait-elle concrètement, et selon toi, dans quelle mesure sa mise en œuvre est-elle réalisable ?

Le système alimentaire tel qu’il est organisé par le capitalisme mène à l’exploitation des travailleurs de la terre, mais aussi, plus largement, de tous ceux qui participent aux filières alimentaires. Les caissières de supermarchés, les ouvriers des abattoirs ou des usines de transformation ne font pas des métiers émancipants, bien payés ou valorisés. Et à l’autre bout de la chaîne, ce système détruit les écosystèmes, sans garantir une alimentation de qualité, ni même une quantité suffisante pour tous. Il y a donc un vrai problème.

À partir de là, en considérant que les idées révolutionnaires ne sont pas aujourd’hui majoritaires dans la société, on peut se demander : qu’est-ce qu’on peut faire à court terme? Une des pistes, c’est de s’inspirer du modèle de la Sécurité sociale, tel qu’il a été mis en place à la Libération. Ce n’était pas une sortie du capitalisme, mais ça a permis d’obtenir des droits sociaux majeurs. Ça a été une transformation concrète, une conquête, un soulagement pour beaucoup.

L’idée, c’est donc de reprendre cette logique pour créer une sécurité sociale de l’alimentation. Une nouvelle branche de la Sécu, dédiée à l’alimentation, fondée sur les trois grands principes de 1946. D’abord, l’universalité : tout le monde aurait droit à une allocation alimentaire, versée sans condition de ressources. Ce serait 150 euros par mois, pour chaque personne vivant sur le territoire. L’idée, c’est de faire société autour de l’alimentation, en reconnaissant que bien manger est un droit.

Ensuite, la démocratie : les produits et les producteurs accessibles via cette allocation seraient choisis collectivement, au sein de caisses locales de sécurité sociale de l’alimentation. Ces caisses seraient animées par les citoyens et citoyennes, et décideraient ensemble de ce qu’on considère comme une alimentation socialement acceptable — dans ses conditions de production, dans ses impacts écologiques, dans sa qualité nutritionnelle, symbolique, culturelle.

Enfin, le troisième pilier, c’est la justice économique : le financement par la cotisation sociale. Pas par l’impôt. On ne vient pas compenser les inégalités après coup, on décide dès le départ de socialiser une partie de la valeur là où elle est produite. Parce que cette valeur, elle ne vient pas de nulle part : elle est toujours issue d’un effort collectif, d’une société organisée. Et donc, c’est à la société de décider comment elle est redistribuée.

Tout cela permettrait de fixer des prix justes, de rémunérer dignement les travailleurs des filières alimentaires, et de rendre ces prix accessibles pour tous en rendant les gens solvables. En même temps, ça orienterait la production, puisque ce sont les choix démocratiques des caisses qui définiraient les produits soutenus. Ce serait donc une manière d’organiser une partie de l’alimentation à distance du capitalisme, dans une logique de socialisation, voire de communalisation.

Ce n’est pas une sortie du capitalisme à proprement parler. Ce n’est pas non plus une suppression complète du marché, puisqu’il resterait un marché régulé, encadré, réservé aux produits conventionnés. Mais ce serait déjà un outil puissant pour répondre à des problèmes concrets, ici et maintenant.

Est-ce que c’est réalisable ? Techniquement, juridiquement, oui. Il n’y a pas besoin d’une nouvelle Constitution, ni de sortir des traités européens. Des juristes ont travaillé sur cette proposition, c’est tout à fait faisable dans le cadre actuel.

Le vrai défi, c’est celui du rapport de force politique. Et c’est pour ça qu’un collectif pour une sécurité sociale de l’alimentation s’est constitué. Il regroupe de nombreuses organisations, qui œuvrent pour faire connaître l’idée, pour la défendre auprès des habitantes et des habitants, pour qu’elle devienne une revendication populaire, évidente, incontournable dans le débat public.

Un peu comme la Sécu en 1946, qui n’est pas sortie de nulle part, mais de décennies de luttes, d’expérimentations, de théorisations. Même sous Vichy, certaines bases de la sécurité sociale ont été posées, avec l’allocation aux vieux travailleurs ou les prémices de la retraite. Et c’est le Conseil National de la Résistance qui a ensuite consolidé tout ça pour créer la Sécurité sociale.

Aujourd’hui, on voit émerger des expérimentations similaires un peu partout en France. Des territoires ont réuni de l’argent pour verser des allocations alimentaires à des petits groupes de personnes. Ce ne sont pas encore des systèmes universels, mais ces tests permettent de vérifier que ça fonctionne, d’identifier les freins et les leviers.

Et si on prolonge l’analogie avec la Sécu, ces expériences actuelles ressemblent à ce qu’étaient les caisses de secours mutuelles au début du XXe siècle. Des structures modestes, mais structurantes.

Ce projet de sécurité sociale de l’alimentation pourrait être institué demain par l’État. Mais il pourrait aussi survivre à un dépérissement de l’État, et devenir un mode d’organisation durable de l’alimentation dans une société post-capitaliste.

Face à l’accaparement des terres, les modes d’action sont variés : de l’action directe comme celle des Soulèvements de la Terre ou des ZAD, à des démarches plus institutionnelles comme celles de Terre de Liens ou du plaidoyer politique. Comment évalues-tu aujourd’hui la coopération entre ces différentes formes de lutte en France?

C'est une vaste question, une question stratégique. Elle se pose à tou·te·s celles et ceux qui défendent une société plus émancipée et écologique. C’est aussi une des grandes interrogations de la gauche, en France et ailleurs. On se trouve dans un entre-deux : pendant longtemps, des contre-modèles révolutionnaires ont été envisagés — l’Union soviétique, l’Espagne de 1936 pour les libertaires, la Yougoslavie, ou la Chine pour les maoïstes. Ces expérimentations à grande échelle ont échoué. On ne fera pas ici l’inventaire du meilleur et du pire, mais elles n’ont pas abouti.

Après la chute de l’URSS, au moment où la Chine s’oriente vers le capitalisme d’État, il n’y avait plus de contre-modèle crédible. Les années 1990 arrivent avec des théories absurdes sur la fin de l’État, que l’histoire a largement démenties. La question devient alors : comment faire la révolution dans ce cadre-là ?

Une réponse a été de s’organiser dans les marges à travers de petites initiatives locales. Deux pôles se dessinent. D’un côté, un pôle libertaire romantique : squats, expériences de vie collective, en s’inspirant du texte « Zone autonome temporaire » de Hakim Bey. L’idée : créer des poches d’autonomie temporaire et se déplacer en cas de répression. De l’autre, le développement de l’économie sociale et solidaire : monnaies locales, expérimentations à petite échelle. L’espoir : que les petits matins fassent les grands soirs.

Mais vingt à trente ans plus tard, on constate que ces approches ne suffisent pas. Elles ne renversent rien. La question devient alors : comment changer d’échelle ? Comment passer des marges à la création d’un véritable rapport de force ?

L’expérience de la ZAD à Notre-Dame-des-Landes a été marquante. Elle relevait initialement de cette idée de zone autonome temporaire. Mais les personnes installées sur place, ayant noué des liens sociaux et écologiques, ont voulu rester. Iels ont souhaité construire quelque chose de durable.

Iels ont vécu l’autonomie sur le territoire, dans des conditions difficiles, souvent boueuses et marquées par la répression. Malgré cela, iels ont décidé de rester et de bâtir quelque chose de pérenne. Cela a impliqué de tisser des liens avec des acteur·rice·s locaux·ales qui n’étaient ni libertaires, ni autonomes, mais qui soutenaient l’expérimentation sociale. Travailler avec des élu·e·s, des partis politiques, des syndicats. L’un des moments forts a été d’embarquer la CGT Vinci dans la lutte.

On voit ici une volonté de sortir des marges et de créer des alliances dépassant le cercle de l’ultra-gauche et de l’autonomie politique.

Du côté des acteur·rice·s plus institutionnel·le·s — militant·e·s pacifistes, légalistes, membres de partis politiques — certain·e·s ont accepté de coopérer avec des activistes illégalistes ou révolutionnaires. C’est un creuset stratégique important pour la gauche en France aujourd’hui. L’opposition entre réforme et révolution n’a pas disparu, mais elle peut être mise de côté au profit d’une logique de composition : on n’a pas les mêmes horizons idéologiques, mais on peut s’accorder sur un socle commun pour mener des combats importants.

Cette recomposition se cristallise autour de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et se prolonge dans d’autres luttes. Les Soulèvements de la Terre incarnent aujourd’hui cette dynamique. Malgré une répression très forte — proportionnelle à l’ambition politique du mouvement — iels continuent d’être un catalyseur. On retrouve cette même dynamique dans des initiatives plus institutionnelles, s’appuyant sur le droit pour contester les projets inutiles et imposés, comme la loi autorisant les pesticides tueurs d’abeilles et de paysan·ne·s.

Il y a donc des alliances qui se construisent entre des traditions politiques très différentes. Une réforme des SAFER ou de la régulation de l’accès à la terre peut servir aussi bien des squatteur·euse·s que des défenseur·euse·s du plaidoyer légaliste.

La pression sur les mégabassines, portée par des collectifs comme Bassines Non Merci, rend leur construction de plus en plus difficile. Cela appuie le plaidoyer politique : si le rapport de force social bloque leur réalisation, les lois les autorisant deviennent inopérantes.

On a déjà vu ce genre de dynamique avec les OGM. Avant les Soulèvements de la Terre et la ZAD, les OGM étaient devenus tellement impopulaires qu’il devenait difficile de les faire passer dans la loi. Il y avait une interpénétration entre des faucheur·euse·s menant des actions illégales et des parlementaires cherchant à légiférer.

Tout cela montre une complémentarité des tactiques, et la possibilité de construire des alliances efficaces pour peser sur les rapports de force, même à partir de positions idéologiques très éloignées.

Tu travailles pour Terre de Liens. Peux-tu nous en dire plus sur les missions et les actions de cette organisation, mais aussi sur les limites que peut rencontrer un tel modèle ?

Terre de Liens, c’est un mouvement citoyen qui s’intéresse à la préservation et au partage des terres, en particulier des terres agricoles. L’idée, c’est de dire que la question de la terre ne concerne pas uniquement les agriculteur·rice·s. Évidemment, les travailleur·euse·s de la terre ont leur mot à dire sur ce que c’est que la terre et ce qu’on en fait, mais ça recoupe aussi des enjeux d’alimentation, de santé, d’environnement, de paysages. Ce n’est pas 1,5% de la population d’agriculteur·rice·s, ni les élu·e·s ou les urbanistes, qui devraient définir seul·e·s ce qu’on fait des terres. Il y a une nécessité à porter une voix de la société civile là-dessus.

C’est ça, le grand principe de Terre de Liens. Mais une fois qu’on a dit ça, on peut faire autant d’éducation populaire qu’on veut, très vite on se heurte à la question de la propriété. Et pour en parler, le plus efficace, c’est encore de s’y confronter de manière pragmatique.

L’une des options choisies pour préserver et partager les terres, ça a donc été de devenir collectivement propriétaire. L’idée, c’était de mobiliser des gens pour qu’iels mettent en commun leur temps et leur argent, afin d’acheter ensemble des terres agricoles et de les louer à des agriculteur·rice·s qui souhaitent s’installer en agroécologie paysanne, en bio, et nourrir les territoires.

Concrètement, ça crée un principe de solidarité entre des habitant·e·s d’un territoire qui choisissent de placer un peu d’argent là-dedans plutôt que sur un livret A, et ça permet parfois de récolter aussi un peu de subventions publiques, pour développer une agriculture écologique.

Aujourd’hui, Terre de Liens a réussi à acheter un peu plus de 10 000 hectares en France. Ça a permis l’installation ou le maintien d’environ 800 paysan·ne·s sur 400 fermes. C’est enthousiasmant, parce que ça oblige à se coltiner concrètement la question suivante : quand on devient collectivement propriétaire d’une terre, à qui appartient-elle vraiment ? Quelles sont les conditions de cette propriété ? Et donc, à petite échelle, on expérimente ce que pourrait être la gestion d’un commun foncier demain.

Alors évidemment, c’est compliqué. On n’est pas sorti du capitalisme. On doit rendre des comptes au système capitaliste, aux règles du droit bourgeois. Donc oui, ça reste limité à certaines échelles. Mais c’est déjà une preuve que la propriété privée, la maximisation du profit, ce n’est pas une fatalité. On peut s’organiser autrement, même dans la société actuelle. Et il y a plein de gens qui ont envie de s’organiser autrement.

Terre de Liens mobilise entre 40 000 et 50 000 personnes en France aujourd’hui. Entre les bénévoles, les donateur·rice·s, les adhérent·e·s, celles et ceux qui donnent un peu de temps ou un peu d’argent, ça fait du monde. Ce n’est pas rien. Il n’y a pas beaucoup de partis politiques qui peuvent revendiquer autant d’adhérent·e·s aujourd’hui.

Cela dit, sur la question foncière, on reste très en deçà de ce qu’il faudrait. La France, c’est 28 millions d’hectares de terres agricoles. Donc 10 000 hectares, c’est une goutte d’eau. Ce n’est pas ça qui va transformer l’agriculture française à grande échelle, ni le rapport à la propriété foncière. Il faut penser les passages à l’échelle, sans quoi on reste dans l’anecdotique.

Et puis cette action s’inscrit dans une économie capitaliste, avec des dépendances vis-à-vis de subventions publiques, de collectivités locales qui ne sont pas toujours alignées avec l’idée d’une agriculture paysanne ou biologique. Ça limite ce qu’on peut faire.

Là où c’est vraiment intéressant, et là où je me sens à ma place et utile, c’est que ce travail permet de mener une véritable bataille culturelle. Il permet de montrer que l’agriculture paysanne et biologique, ça fonctionne. On entend souvent qu’il n’y a pas d’alternative pour les agriculteur·rice·s en dehors des pesticides, ou en dehors de l’endettement. Mais nous, on parvient à prouver que d’autres manières de faire existent — et qu’elles sont tout aussi efficaces, même dans le cadre du capitalisme actuel. Elles ne sont pas moins performantes que les solutions proposées par le capitalisme ou la FNSEA. Et ça, c’est profondément enthousiasmant.

Sur la propriété, aussi, on vient percuter beaucoup de lieux communs : que la propriété privée serait la seule façon de garantir les droits fondamentaux, ou que ce serait la manière la plus efficace de gérer une ressource comme la terre. Et clairement, ce n’est pas vrai. On le montre.

Tout cela permet à la fois d’installer des paysan·ne·s, de travailler avec des collectivités locales qui veulent faire les choses bien — et il y en a malgré tout pas mal —, de mobiliser des habitant·e·s autour d’un agir concret, matériel, pas uniquement idéologique.

Et ça permet aussi d’aller voir le législateur. De dire : « Regardez ce qu’on a réussi à faire. Si vous passez quelques lois, ça pourrait se multiplier. » Ce ne serait pas forcément la sortie du capitalisme, ce n’est pas nécessairement notre objectif immédiat, mais ça pourrait changer des choses. C’est une base pour faire du plaidoyer politique. Parfois ça marche, parfois non.

Et si on articule cette action à d’autres modes d’action directe, à du syndicalisme paysan non corporatiste, comme celui mené par la Confédération paysanne, ou à d’autres formes de luttes écologiques et politiques, alors on peut espérer construire un rapport de force qui, à terme, pourrait devenir gagnant.

Quels sont, selon toi, les sujets prioritaires liés au foncier agricole que nos élu·es devraient davantage porter dans l’arène politique?

On dispose déjà, en France, d’outils qui permettent d’orienter le foncier à distance de la logique pure du capitalisme et de maximisation du profit : les SAFER, le contrôle des structures…

Qu’est-ce qu’il faudrait ajouter à ça pour que ça devienne vraiment intéressant ?

Si l’on souhaite que la terre devienne un commun, alors plusieurs enjeux doivent être posés. Un commun, très schématiquement, c’est une ressource gérée démocratiquement par une communauté légitime, dans l’objectif de la préserver et d’en garantir l’accès dans la durée.

Appliqué à la terre, cela implique deux choses fondamentales.

D’abord, redéfinir qui compose cette communauté légitime. Aujourd’hui, dans les instances de gouvernance du foncier — que ce soit les SAFER ou le contrôle des structures — on observe une surreprésentation de certain·e·s agriculteur·rice·s, au détriment du reste de la population, y compris d’autres membres du monde agricole. Il faut repenser ces instances pour les rendre réellement représentatives.

Ensuite, revoir comment on oriente les terres et sur quels critères. Aujourd’hui, les choix sont largement déconnectés des besoins sociaux et écologiques. Il faut des critères clairs qui privilégient la création d’emplois agricoles rémunérateurs, les pratiques agroécologiques, et les besoins alimentaires des territoires. Or, en l’état, les politiques agricoles sont totalement déconnectées des politiques alimentaires.

Un exemple concret : en Charente-Maritime, autour de La Rochelle, la région céréalière de l’Aunis produit essentiellement du blé. Résultat : pour consommer des légumes, il faut les faire venir de plus loin. Pourquoi ne produit-on que du blé ? Parce qu’on a lourdement investi dans le port de La Pallice, qui doit être rentabilisé par des exportations de céréales, y compris pour nourrir du bétail à l’autre bout du monde. Les mégabassines construites dans cette région servent à irriguer ces cultures céréalières destinées à l’export. Cela n’a aucun sens, si ce n’est celui du profit.

Ce qu’il faut, c’est reconnecter les politiques agricoles aux politiques alimentaires. Il existe déjà des outils à disposition des collectivités : les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT). Il est essentiel de rebrancher la régulation foncière à ces PAT, en orientant l’accès à la terre vers les besoins exprimés par les communes et intercommunalités qui souhaitent relocaliser l’alimentation.

Cela nécessite de réformer les SAFER, le contrôle des structures, et d’élaborer des schémas directeurs qui orientent l’attribution des terres selon des critères sociaux, écologiques et territoriaux. C’est faisable rapidement, avec des lois ou des décrets, sans même sortir des traités européens ni de la Ve République.

Et à plus long terme, tout cela participe à une vision plus large : gérer la terre et l’alimentation comme des communs, en dehors du capitalisme.

As-tu vu des modèles ou des luttes paysannes dans d’autres pays qui pourraient nous inspirer en France? Peux-tu nous donner des exemples de mouvements en Europe ou ailleurs qui militent pour une réappropriation des communs ?

Il y a un exemple extrêmement clair aujourd’hui : le Mouvement des Sans Terre (MST) au Brésil. Ce n’est pas en Europe, mais c’est clairement un modèle d’organisation. On est là face à des paysan·ne·s prolétarisé·e·s, exclu·e·s de l’accès à la terre et à la subsistance, qui s’organisent à la base pour reprendre des terres aux grandes propriétés latifundiaires, pour arracher des moyens de subsistance au capitalisme et s’émanciper à travers un travail agricole auto-gouverné et auto-administré. C’est un mouvement extrêmement important.

Encore une fois, son degré de subversion est visible à travers le niveau de répression qu’il a subi, avec des assassinats politiques et une violence étatique très forte. C’est donc aussi un mouvement profondément inspirant.

On en a déjà un peu parlé, mais la révolution zapatiste au Chiapas constitue également une expérience extrêmement riche — sans romantiser ni idéaliser ces luttes, elles offrent des pistes intéressantes sur la gestion collective des terres et la souveraineté territoriale.

En Afrique subsaharienne, de nombreuses luttes paysannes visent à préserver des régimes coutumiers. Je pense notamment au ROPPA, une coordination de syndicats agricoles en Afrique de l’Ouest, qui défend un accès à la terre non libéralisé et s’oppose aux accaparements et aux concessions foncières faites aux multinationales agro-industrielles. Ce sont là encore des mobilisations inspirantes, portées par des paysan·ne·s africain·e·s. Il y a sûrement des dynamiques similaires en Afrique de l’Est, mais je connais mieux l’Afrique de l’Ouest, où il est plus facile d’échanger avec des camarades francophones.

On peut aussi mentionner les luttes très marquantes à Madagascar, où l’instabilité politique a été alimentée par des projets d’accaparement des terres destinés à produire de la nourriture pour des populations d’Asie du Sud-Est — notamment sud-coréennes. Certaines de ces luttes ont été en partie victorieuses. Et dans le delta du Niger, d’autres mobilisations ont également vu le jour contre les formes violentes d’expropriation foncière.

La Via Campesina est une coordination de syndicats agricoles et paysan·ne·s à l’échelle mondiale — sans doute la seule aussi structurée à cette échelle. Elle regroupe notamment la Confédération paysanne en France, mais aussi le MST, le Mouvement des sans-terre au Brésil. Ce réseau a réussi à faire adopter à l’ONU une Déclaration des droits des paysan·ne·s et des populations rurales. Il s’agit là d’une lutte très institutionnelle, menée dans le champ du droit international — un espace encore peu investi par les mouvements sociaux.

Cette déclaration, ainsi que les directives volontaires pour la gouvernance des terres également adoptées à l’ONU, ont été utilisées par des organisations paysannes en Roumanie et par des organisations Samis en Finlande pour revendiquer des droits communautaires sur les terres. Et ces luttes ont en partie porté leurs fruits. Il y a donc là des expériences particulièrement intéressantes à suivre.

Enfin, en Irlande, une réforme foncière récente a permis de reconnaître des droits communautaires à des villageois·es sur l’accès aux terres, dans un pays marqué par une structure foncière concentrée et une agriculture très capitaliste, même dans ses formes extensives comme l’élevage ovin. En Écosse, une réforme similaire est venue consacrer certains droits des communautés villageoises à la terre et à leur alimentation.

Ce n’est pas parfait, mais il y a des dynamiques porteuses d’espoir.

Merci beaucoup, ça conclut cet entretien sur une note assez positive. Ce sont des victoires qu’il faut célébrer, me semble-t-il — elles donnent des signes d’espoir, même s’il reste évidemment énormément de travail à accomplir.

Aurais-tu des ressources à recommander — livres, podcasts, articles — pour mieux comprendre les enjeux fonciers agricoles ?

Alors, ce ne sont pas uniquement des ressources sur la question foncière, mais plus largement sur l’agriculture et l’alimentation. Un livre qui me semble aujourd’hui incontournable, même s’il n’est pas tout récent, c’est Reprendre la terre aux machines, publié par L’Atelier Paysan, aux éditions du Seuil dans la collection Anthropocène. C’est un texte court, très évocateur, accessible et mobilisateur. Il a été un vecteur de radicalisation pour pas mal de personnes sur les enjeux agricoles, et aborde aussi un peu la question de la sécurité sociale de l’alimentation.

Sur ce dernier sujet, je me permets une petite auto-promotion : j’ai co-écrit avec Sarah Cohen un livre intitulé De la démocratie dans nos assiettes – Pour une sécurité sociale de l’alimentation, publié aux Éditions Charles Léopold Mayer. C’est un petit ouvrage d’une centaine de pages, assez digeste, qui permet de situer pas mal d’enjeux.

Dans le collectif Reprise de Terre, auquel je participe, on a aussi produit un hors-série de la revue Socialter intitulé Ces terres qui se défendent. C’est un panorama assez large sur les enjeux de l’accès à la terre, de l’alimentation, des droits des subalternes, en France et à l’international. On y parle des mégabassines, de l’accès des femmes à la terre, de la prise en compte du vivant non-humain, etc. C’est dense — environ 180 pages — mais très illustré et agréable à lire, on peut vraiment y piocher.

Toujours avec ce collectif, on tient une petite tribune dans le trimestriel Fracas, d’écologie politique. Et on collabore aussi régulièrement avec la revue en ligne Terrestres, que je recommande vivement, pas seulement pour les questions foncières mais pour tout ce qui relève de l’écologie politique. On y publiera d’ailleurs bientôt des podcasts, qui seront diffusés via la plateforme Spectre — une très belle plateforme de podcasts que je conseille en général.

Et pour finir, un gros coup de cœur : un podcast qui s'appelle Manuel Déterre, hébergé sur Blast, qui porte sur l’agriculture et l’accès à la terre pour les femmes en France. Ils viennent de terminer leur première saison. C’est à la fois sensible, subtil, précis et extrêmement percutant. Un petit avertissement cependant : le premier épisode aborde les violences sexistes et sexuelles dans le monde agricole. C’est bouleversant. Je recommande de l’écouter dans un moment où l’on se sent bien, ou alors de commencer directement par le deuxième épisode, puis d’y revenir. En tout cas, c’est vraiment essentiel de s’informer sur ces réalités.

Merci beaucoup, tu as fait d’excellentes recommandations — certaines que je ne connaissais pas du tout. De mon côté, il y a un livre que je recommande souvent et que j’aime beaucoup : Terre et Liberté d’Aurélien Berlan. C’est un essai très accessible, à la fois simple à lire et transversal dans sa manière d’aborder les questions d’autonomie. J’aurais vraiment aimé le découvrir avant de me plonger dans des textes plus techniques, parce qu’il offre une porte d’entrée très claire sur des sujets parfois complexes.

Tout à fait, c’est une ressource précieuse.

Il y a aussi Geneviève Prouveau, proche d’Aurélien Berland, qui publie régulièrement et propose des réflexions très stimulantes, notamment dans son livre "Quotidien politique", c'était passionant. Il y a plein de choses!